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N° 159

Paul Schnegg (1916-1985)

Une passion singulière pour la faune colombienne

Nature

En 1946, le Loclois Paul Schnegg, s’installe à Barranquilla, en Colombie, en vue d’y étudier la faune et en faire le commerce. Durant les vingt-cinq ans qu’il passe dans ce pays, il adresse 394 lettres à son frère Alfred, archiviste de l’Etat de Neuchâtel. Extraites d’un carton « oublié », elles ont récemment fait l’objet d’un travail de relecture, d’analyse des contenus et de mise en perspective en vue d’une publication dans la Nouvelle Revue Neuchâteloise.

Indépendamment de l’origine de son auteur, deux points d’ancrage avec le canton de Neuchâtel expliquent le choix de cette thématique: d’une part cette correspondance fait écho à une autre aventure colombienne, celle des scientifiques neuchâtelois Otto Fuhrmann (1871-1945) et Eugène Mayor (1877-1976), objet d’une précédente publication par la NRN ; d’autre part les relations entretenues par Paul Schnegg avec le Musée d’histoire naturelle de la Chaux-de-Fonds durant les années ’40 et ’50, concrétisées par un échange épistolaire et la présence d’une quarantaine d’animaux naturalisés, envoyés par Paul Schnegg, dans les collections du musée. Ils illustrent l’existence d’un lien scientifique tissé entre l’émigré issus des Montagnes neuchâteloises et le musée de la cité horlogère.

Quant au contenu de ces missives, il s’attache à évoquer les expéditions de Paul Schnegg à travers le pays, le menant jusque dans les zones très retirées de la forêt amazonienne. Cette correspondance emprunte les chemins d’une narration très vivante relatant les récits de ses découvertes épiques dans la jungle profonde ou dans les altitudes des hauts plateaux, la présentation méthodique des animaux rencontrés, parfois en prenant des risques pour les approcher, la description de l’arrière-pays et de ses habitants en dressant un tableau de la réalité sociale de la Colombie au lendemain de la Deuxième guerre mondiale. Paul Schnegg s’attache aussi à décrire les conditions de transport souvent éprouvantes en vue de l’exploration du pays à la recherche d’animaux sauvages. Enfin les soins requis par ces derniers avant leur expédition vers le continent nord-américain ou l’Europe occupent une large place dans les préoccupations de l’auteur.

Pouvant apparaitre aujourd’hui à nos yeux comme relativement anachronique, ce commerce s’inscrivait pourtant à l’époque dans un souci de permettre aux habitants américains ou européens de découvrir la faune sauvage exotique par la visite de jardins zoologiques, faute de voyager dans ces contrées lointaines.

Cependant les premières prises de position écologique et la nécessité de préserver ce que nous appelons aujourd’hui la biodiversité, commençaient à apparaître dès les années ’60. Cette correspondance s’en fait l’écho. Ce souci de préservation de l’environnement a probablement été à l’origine du retour en Suisse de Paul Schnegg au début des années ’70, entrainant la fin de son commerce.

Arrivé au terme de cette foisonnante correspondance, au-delà des récits de voyage, si palpitants soient-ils, il reste au lecteur une foule d’impressions qui fourmillent dans cette somme de lettres : un regard aiguisé, parfois même désabusé, sur la réalité de son pays d’adoption, les excès de la mondialisation aux effets parfois néfastes pour la biodiversité ou encore le constat qu’une démographie galopante peut exercer dans un pays où une majorité d’habitants vit dans la pauvreté. Enfin un regard critique, sans concession parfois, des régimes autoritaires qui se sont succédé en Amérique latine comme des phénomènes de corruption endémique.

Et finalement, le tiraillement d’un homme déraciné, curieux du monde que l’entourait, autant critique sur son pays d’adoption que nostalgique de sa terre natale.